Le 8 mars a lieu la journée internationale des droits des femmes. Pour l’occasion, on te présente cinq artistes féminines qui ont marqué l’Art européen, mais restent encore trop méconnues : Claricia, Artemisia Gentileschi, Hilma af Klint, Jane Atché et Niki de Saint Phalle. Cloé s’est inspirée de leurs œuvres pour leur rendre hommage en illustration.
L’Histoire de l’Art est jalonnée de figures masculines car les femmes en ont été trop souvent effacées. Le milieu de l’Art est essentiellement, encore aujourd’hui, dominé par les hommes. Un phénomène explicité et développé en profondeur dans l’essai Une place d’Eva Kirilof et Mathilde Lemiesle (entre autres). Les termes féminisés tels que « peintresse », « sculptrice » ont du mal à s’imposer dans le langage courant.
Quant au mot « artiste », il devrait désigner toute personne pratiquant l’Art, homme ou femme, mais par un biais mental, on a tendance à le lier au genre masculin. D’où le choix, pour cet article, du terme « femme artiste ». Voici donc cinq personnalités qui ont marqué l’histoire de l’art, chacune originaire d’un pays et appartenant à un mouvement différent.
L’art de Claricia résumé en une image par cloe.
Claricia est une enlumineuse du Moyen-Âge. On sait peu de choses sur elle, hormis qu’elle était allemande et sans doute laïque. Moins connue que sa prédécesseure Guda, elle n’en a pas moins réalisé un travail de qualité et de beauté. Son œuvre la plus connue est un psautier (livre de prières), dans lequel on pense qu’elle a dessiné son autoportrait. Tu peux le feuilleter ici.
Si on ne garde de Claricia qu’un prénom, elle permet de certifier, avec quelques-unes de ses consoeurs, que les moines n’étaient pas les seuls à savoir lire et écrire au Moyen-Âge. La femme artiste existait bel et bien à cette époque, même si elle était moins représentée et moins connue. Elles pratiquaient l’enluminure au même titre que les hommes et illustraient richement les livres, des objets rares et précieux destinés à l’aristocratie.
Fille de peintre, Artemisia a reçu la même éducation artistique que ses frères, un phénomène rare au 17e siècle italien auquel elle appartient. Elle a rapidement montré un talent supérieur et a réussi à faire de l’Art une carrière, avec notamment comme mécènes Charles 1er, roi d’Angleterre, et les Médicis.
Sa technique picturale est très inspirée du Caravage, l’inventeur du clair-obscur, mais elle a su y apporter un point de vue différent, notamment dans la façon de traiter les sujets, avec une optique féminine très assumée. Elle est par ailleurs une des premières à représenter des scènes religieuses et historiques, ce qui était auparavant réservé aux hommes.
Victime de viol et marquée par le procès qui s’ensuivit, elle dénonce dans ses toiles la domination masculine en représentant des femmes fortes ou des scènes très violentes. Cependant, elle a aussi réalisé des œuvres pieuses plus classiques. Son tableau le plus célèbre se nomme Judith décapitant Holopherne.
inspiré des oeuvres « Jugend » et « le gui » de Jane atché
Jane Atché, de son vrai nom Jeanne Louise Marie Euphrasie Atché et de son nom d’artiste Jal, est une française du 19e siècle. C’est une des rares femmes représentant l’Art Nouveau. A ce titre, elle est une artiste complète, qui utilise les méthodes de son temps : non seulement peintre, elle est aussi affichiste, illustratrice, dessinatrice.
Née à Toulouse puis formée à Paris, elle s’inspire entre autres des œuvres d’Alfons Mucha, la figure incontournable dans ce style. Ils ont travaillé la même année pour le papier à cigarettes Job, pour qui ils ont tous les deux réalisé des affiches. Outre les publicités, Jal peint sur porcelaine, sur toile, dessine. Elle réalise aussi des panneaux décoratifs, des menus, des lithographies, et connaît un vif succès.
Malheureusement, son nom n’entre pas dans la postérité, au point qu’on perd la trace de sa tombe à la fin du 20e siècle. En effet, même lorsqu’elle est connue de son vivant, la femme artiste a du mal à conserver sa place dans l’histoire de l’Art, et s’en trouve régulièrement effacée.
Hilma af Klint est une suédoise ayant vécu à cheval entre le 19e et le 20e siècle. Douée pour la peinture, elle fait partie des premières générations à être formée à l’Académie des Beaux-Arts de Stockholm. Tout au long de sa vie, elle tirera un modeste revenu de ses représentations académiques : portraits, paysages, illustrations botaniques.
Pourtant, ce n’est pas pour cela qu’elle a marqué l’Histoire. En secret, dans son atelier, Hilma af Klint travaille sur son œuvre véritable : l’art abstrait. Très inspirée par le spiritisme et la méditation, elle adhère à la société théosophique, qui mêle les croyances religieuses dans la quête d’une vérité supérieure, et s’en inspire pour créer ses œuvres. Elle compose ainsi sa série principale, Le Temple, entre 1906 et 1915.
A aucun moment elle n’entre en contact avec les milieux modernistes de l’époque. Consciente d’être une femme, mais aussi du caractère inédit de son œuvre, elle la dissimulera toute sa vie. A sa mort, elle lègue ses tableaux à son neveu avec pour consigne de les conserver sous scellés pendant vingt ans. Durant cette période, Vassily Kandinsky et ses œuvres obtiennent le titre d’inventeur de l’art abstrait, qui ne lui sera jamais vraiment retiré.
Portrait de niki de saint phalle sur fond de « nana »
Femme artiste la plus connue des cinq personnalités présentées dans cet article, Niki de Saint Phalle a marqué l’Art du 20e siècle, en France, d’où elle est originaire, et en Europe. Issue de la bourgeoisie, ayant vécu à Paris et à New York, elle a toujours fréquenté les milieux artistiques de son temps. Pourtant, c’est en autodidacte qu’elle commence à pratiquer l’Art, alors qu’elle est mannequin, mariée et mère de famille.
Sa rencontre avec Jean Tinguely, celui qui deviendra son deuxième époux, est déterminante. Ils s’inspirent l’un de l’autre et créent ensemble des œuvres plastiques, qu’elles soient peintes, sculptées ou autre. Un exemple de ce travail de binôme est la fontaine Stravinsky à Paris.
Il est impossible d’énumérer l’intégralité des œuvres de Niki de Saint Phalle tant cette femme artiste s’est montrée productive. On retiendra (totalement arbitrairement) deux grands ensembles d’œuvres : les Nanas et le jardin des tarots.
Les Nanas sont de grandes sculptures colorées et rondes. On les retrouve notamment en France, en Suisse et en Allemagne. Elles représentent la libération de la femme des diktats de la société, mais aussi de Niki face au milieu bourgeois dont elle est issue. Le jardin des Tarots, situé en Toscane, est un espace œuvre d’art dans lequel Niki a reconstitué sous forme de statues, dans son style, les grands arcanes du tarot. Il se visite toujours aujourd’hui, de mars à octobre.
Ces quelques exemples montrent le caractère engagé de l’œuvre de Niki de Saint Phalle. Au cours de sa carrière, elle lutte toujours pour l’égalité des hommes et des femmes et s’engage dans la lutte contre le patriarcat au travers de son œuvre. Elle en fera de même pour la cause des noirs américains, notamment par la création de Nanas noires. Enfin, elle soutient la cause des malades atteints du sida.
On considère actuellement que les femmes n’avaient pas accès au monde de l’Art au cours des siècles plus reculés, à cause de coutumes différentes et d’interdits masculins. Ce n’est qu’en partie vrai. En réalité, à toutes les époques, des femmes ont réussi à s’imposer en tant qu’artistes et même rencontrer un certain succès. Elles ont cependant très souvent été effacées de l’Histoire au profit des hommes.
Ainsi, les femmes artistes ont subi des phénomènes de réappropriation, d’effacement, d’interdiction de pratiquer… mais elles ont existé, souvent dans des milieux très aisés où elles faisaient figure d’exception. La sociologue Séverine Sofio révèle le phénomène dans son livre « Artistes femmes : la parenthèse enchantée », dans lequel elle recense plus de mille femmes artistes reconnues sur la période, mais qui ne sont pas passées à la postérité.
Plusieurs sites internet sont consacrés spécifiquement aux femmes dans l’Art. Le plus célèbre et le plus complet est awarewomenartists.com, qui recense les femmes artistes dans le monde entier. La carte svmusicology.com en est le pendant musical, que tu peux consulter ! Si tu préfères commencer par moins de références, mais des informations de qualité, et dans tous les domaines, le site sisilesfemmes.fr est fait pour toi. Si tu aimes simplement découvrir de nouvelles artistes, on consacre la thématique du mois de mars aux femmes sur les réseaux sociaux de Kaïnographe sous le titre « Hommage aux artistes ». N’hésite pas à venir découvrir et échanger à ce sujet avec nous !